Instantanee
Martin a une poignee de main fraternel. C'est un peu l'homme providentiel, au moins la bonne surprise de cette voiture n3. Elle en avait bien besoin. Nous sommes parvenus sans trop d'accidents a entrer dans ce train. Sans place assise, nous occupons avec une quinzaine d'autres passagers l'espace intermediaire entre deux wagons. Mon sac et mes fesses sont sur un meuble metallique chaud; Claire est postee aupres des toilettes ce qui promet un agreable trajet. Les quincagenaires en treillis la regarde d'un oeil lubrique, coupe frequemment par le passage d'un voyageur cherchant sans doute a demontrer par la qu'il reste encore assez de place pour circuler. Ca tient tout de meme un peu de la prestidigitation. Pourtant, l'ultime tour de magie c'est cet homme impeccablement vetu, chemise rouge passe sur marcel blanc - et oui, j'ai dit blanc- et son tres elegant chapeau de feutre souple.
C'est surprenant comme nous avons pu oublie en un mois seulement toutes ces choses qui font le quotidien en Chine. Sans doute le depaysement complet du Japon qui semble par contraste relever d'une autre dimension. C'est simple, prenez n'importe quoi en Chine, c'est l'exact oppose sur l'archipel ... et inversement, en soupoudrant le tout d'un vague air de famille. On dirait l'oncle Scare et le roi Moufasa ( je crois que c'est du Shakespeare), ou encore Seth et Osiris ( mais je ne voudrais surtout pas distribuer les roles).
Vous pouvez vous aussi jouer au grand jeu des freres ennemis au caractere oppose en nous envoyant vos propositions. Le vainqueur recevra ... qqch. Nos compliments genre.
Les gares et les trains ne sont que des exemples parmi tant d'autres de tout cela. Ponctuels, rapides, propres, spacieux et empruntes par des passagers amenes au Japon, ils deviennent en Chine hasardeux, lents, infenales et peuples d'une faune grimacante. On y viendrait volontiers faire le casting d'un film aux personnages crapuleux. Toutefois, rien de bien inquietant, la Chine demeurant un des pays les plus surs au monde. Et puis tout cela, pour nous, au fond, c'est du deja vu.
Ce qui l'est moins, en revanche, c'est Martin, car en sus du chapeau il y a ce sourire, cette classe, et cette peau sombre de kenyan. Curieusement, ca nous rassure. C'est peut etre ce cote affable, ou simplement cette joie qu'il a de nous rencontrer. Peut etre aussi ce caractere franc, entier qui nous sourit. Il n'aime pas les chinois. Il vit en Chine, probablement pour longtemps encore. Il a des ecouteurs autour du coup. Et grace a son chinois, les controleurs nous accordent au prix d'une traversee perilleuse, quelques places assises pres de leur cabine - une sorte de cabine telephomique question dimension. Rien que pour ca, c'est le bonheur, mais en plus il y a la conversation. Et il en faut des sujets et de la curiosite pour occuper les heures qui defilent aussi lentes et monotones que le paysage : des plaines de poussiere avec quelques parcelles de peupleraies. Ca aussi, nous l'avions oublie, les forets qui n'existenet qu'en version replantees.
Je ne vous explique pas ou on est parce que c'est un peu complique et les emmerdeurs vont nous demander des cartes ( ils se reconnaitront). En plus ca n'a pas l'air terrible en definitive. Mieux vaut donc oublier.
Dans deux jours nous seronx a Beijing. Tout le monde voit ou c'est ? Pas besoin de cartes ?
Comme vous le voyez on rigole bien. En plus on se paye des hotels de luxe.